« Les victimes de la société » vient de paraître chez les Éditions Plumes Inspirées. Ce titre évocateur est celui qu'a choisi la très sérieuse journaliste Diaraye Guirassy pour faire son entrée dans le monde littéraire. Le roman, composé de cinq parties, raconte la mésaventure de jeunes femmes mariées contre leur gré à des hommes choisis par leurs familles. Ces dernières ne se souciant ni de leurs rêves ni de leur droit de choisir librement leurs conjoints.
En effet, l'histoire de Fatma est celle qui introduit le livre. Fatma est une jeune fille djakanké qui, très tôt, va commettre l'impardonnable pêché (le péché à la fois très traditionnel et très musulman) de se dépuceler, de forniquer donc et de tomber enceinte avant d'être dotée. Pour échapper à la foudre de son père, de sa famille et de sa communauté très versés dans l'islam, Fatma fugue de la maison avec son amant après avoir vidé le coffre de son daron pour partir loin. Sur la paille, elle se voit par la suite larguée par cet amant dans un village lointain où elle se résigne de passer le restant de sa vie dans la solitude. Sa situation fait objet de commérage mais nul ne voulait parler à sa mère, Hamama. En étant au parfum de la nouvelle, elle part à la recherche de sa fille mais c'est Fodédo, l'oncle de Fatma, qui la ramène à la maison avec sa grossesse. Enfermée pour la corriger, elle perd sa grossesse sous le poids des sévices qu'elle recevait chaque matin. Son père, Cheick, avait ainsi atteint son objectif : ne jamais voir naître sous son toit un « bâtard ». Un matin, Fatma reçoit cent coups de fouets comme recommandé par le coran et son père annonce, à la surprise générale, qu'il la donne en mariage à son cousin, Elhadj. Cette union (non consentante) est scellée en bon débarras.
Maimouna aussi connaîtra le même sort. Bien qu'elle n'ait pas perdu sa virginité hors mariage, elle va épouser Barhms, son cousin, qu'elle ne portait pas dans son cœur parceque son père la menaçait de divorcer d'avec sa mère.
Hadjos, Binta, Mamasse, Oumy, Fatou, Moumy et d'autres personnages du roman (mais aussi de la vie réelle) vivront des expériences similaires.
Pourquoi les parents forcent-ils leurs enfants à épouser des hommes qu'ils ne connaissent pas ?
Que devient la vie de ces jeunes filles après leur mariage ?
Pourquoi ne refusent-elles pas d'aller dans une union non voulue ?
L'auteure répond à ces questionnements dans ces pages qui, à travers ces personnages, conte la vie des victimes résignées de nos traditions. Elle traite ici des questions de mariage arrangés et forcés, de droits de la femme, de violences conjugales et autres.
Dans un monde où l'humain prend l'utile pour le futile, Diaraye Guirassy souligne, entre autres, ce grand paradoxe de notre société : "la virginité est plus valeureuse et plus importante que la mariée elle-même"
Dans ce roman inspiré des vécus de nos terroirs, beaucoup de parents dictent l'avenir, le destin de leurs progénitures pour des raisons farfelues et hélas, ils poussent ces femmes au fond du trou (le littéraire dirait en enfer). D'où ce conseil de l'auteure : "Si on veut arranger le mariage, il faut le faire avec des partenaires qui s'aiment et qui se sont déjà choisis"
« Les victimes de la société » enfin est un ensemble de récits brefs, une série d'histoires pathétiques, révoltantes et un style d'écriture simple et accessible. Cet ouvrage, sans forcément le vouloir, révolte et révèle notre féminisme parceque son auteure pousse silencieusement à s'engager contre les mariages forcés et arrangés. Il vient à un moment où les violences basées sur le genre prennent des proportions inquiétantes un peu partout à travers le monde.
Le grand mérite de ce livre : rendre audible, pour le lecteur, les thématiques qui y sont abordées. Mettez votre nez dans ce bouquin et vous ne le retirez qu'à la fin.
Bonne lecture !
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